Nous vous avions déjà proposé de découvrir 5 romans policiers nordiques en traduction française, provenant des terres glaciales de la péninsule scandinave et des pays baltiques, où la mélancolie s’infiltre dans toutes les formes d’expression artistique.
Alors que les jours raccourcissent, quoi de mieux que d’amorcer cette lente plongée dans l’obscurité de l’hiver avec une bonne pile de romans nordiques sous la main ? Nous vous proposons ici d’en découvrir 5, tous genres confondus, en français et au format numérique.
N’essuie jamais de larmes sans gants : L’amour
Premier tome percutant d’une personnalité suédoise. Jonas Gardell s’est en effet fait connaître au début des années 80 avec un roman sur l’amour homosexuel, et a poursuivi une carrière d’auteur multigenre et de comédien. En fin observateur du quotidien, il sait mettre en relief les sentiments qui bouillonnent sous la surface des tabous, notamment dans ce livre, saga de la génération SIDA dans la Suède des années 80. Jonas, lui-même homosexuel marié à un homme, a fait sensation en publiant ce roman témoignage qui sert également à dénoncer les discriminations qu’il a vécues dans une société qui se targue pourtant d’être libérale, mais aussi à évacuer la culpabilité qu’il ressent à l’idée d’avoir survécu.
N’essuie jamais de larmes sans gants, c’est l’histoire du provincial Rasmus, qui quitte sa campagne profonde pour la capitale suédoise, où il espère pouvoir être enfin lui-même. Il rencontre Benjamin, un Témoin de Jéhovah qui se découvre homo sur le tard. Mais leur groupe d’amis est frappé de plein fouet par l’épidémie du SIDA. Si certains en réchappent, d’autres comptent les jours.
Un drame amoureux qui met également en lumière l’isolement de séropositifs auquel le système de santé suédois ne sait pas répondre, et que les amoureux des langues nordiques pourront retrouver en adaptation télévisuelle.
La pièce
Dans un tout autre registre, et pour les amateurs du style kafkaïen, qui n’est pourtant pas sans rappeler le film Norway of Life (2007) de Jens Lien, voici un petit bijou de décalage.
Björn, le narrateur, est un bourreau de travail qui ne vit que pour son nouvel emploi dans une Administration qui, au pays de la conformité à tout prix, prend des traits orwelliens et dépersonnalisants. L’ambiance de comédie tourne vite au fantastique quand il découvre une porte entre l’ascenseur et les toilettes, donnant sur un petit bureau bien rangé dans lequel il se réfugie pour se reconnecter avec lui-même et donner libre cours à ses projets. Mais tout ce que ses collègues voient, c’est un homme qui reste planté des heures durant devant un mur vide. La pièce est-elle réelle ou le narrateur est-il en train de sombrer dans la folie ?
Jeux de vilains
Le Groenland est une terre hostile pour qui n’y est pas né. Entre les températures glaciales, une nuit de six mois et le contact avec des natifs revêches et peu ouverts aux étrangers, le couple de Danois qui vient de s’installer sur l’île de Disko avec leurs trois enfants luttent au quotidien pour s’intégrer. La rencontre de l’aînée, Hilde, avec Johannes, un garçon de l’île, sauvage et imprévisible, va précipiter les événements.
Jeux de vilains est l’occasion pour Iben Mondrup de se pencher avec poésie, sensibilité et force sur les émotions enfantines, à travers Bjørk, l’impétueuse cadette, Knut, le jeune timide, et Hilde, à l’orée de l’âge adulte. Un roman de l’enfance tout autant que du déracinement, qui plaira aux amateurs d’espaces inconnus.
A tout moment la vie
« Un seul enfant de toi », comme le dit la chanson, c’est le rêve de Tom, qui attend un enfant de sa compagne, Karin. Mais lorsque celle-ci tombe malade durant la grossesse, leurs projets s’écroulent. Karin succombe peu après la naissance de la petite Livia, suivie quelques mois plus tard dans la mort par le père de Tom. Nous suivons l’existence d’une petite fille qui entame sa vie aux côtés d’un père qui tente de se reconstruire après ce double deuil avec un optimisme qui en fait un livre profondément humain.
Finaliste du Grand Prix de Littérature du Conseil Nordique 2016, ce roman du poète et musicien suédois Tom Malmquist est entièrement autobiographique, et composé d’après les notes qu’il avait prises durant ces mois terribles de sa vie, afin d’exprimer ses sentiments et de communiquer son histoire à sa fille, plus profondément que la seule forme poétique aurait su l’exprimer.
La Faim blanche
Ce roman historique d’Aki Ollikainen est d’une puissance rare, retraçant l’exode finlandais vers la Russie causé par la famine des années 1860. Ayant abandonné derrière elle son époux moribond et la ferme dans laquelle ils vivaient, Marja compte faire la route à pied jusqu’à Saint-Pétersbourg, accompagnée de ses jeunes enfants, tous les trois à la recherche d’une vie meilleure. Et tandis que des cohortes d’affamés parcourent le pays glacé, les vivants, les fortunés ou encore le sénateur d’Helsinki les regardent passer sous leurs fenêtres, irrémédiablement coupés de la réalité angoissante de cette dangereuse errance.
À dévorer en numérique pour la beauté des paysages et le pouvoir d’évocation d’une langue qui sait insuffler chez le lecteur une forte empathie envers ces personnages qui ont, plus que tout, la volonté de survivre.